23 Mar
23Mar

En tant que médiateur, j’ai souvent entendu cette question : « Avez-vous réussi ? Les parties ont-elles trouvé un accord ? » Il est vrai que, dans l’imaginaire collectif, la réussite d’une médiation se mesure à la conclusion d’un accord formel, signé et détaillé. Mais l’expérience m’a appris que la réalité est bien plus nuancée.

 L’accord est bien sûr un aboutissement précieux. 

Il permet de clore un différend de manière structurée, de fixer des engagements clairs et de sécuriser les parties sur la suite. Cependant, la médiation ne se réduit pas à la simple recherche d’un compromis écrit. Sa véritable richesse réside dans le dialogue qu’elle instaure, dans la possibilité qu’elle offre aux parties de se comprendre, parfois pour la première fois depuis longtemps. 

Un processus plus qu’un résultat 

Je me souviens d’une médiation entre deux associés en conflit. Leur entreprise, qu’ils avaient bâtie ensemble, était au bord de l’implosion à cause d’un différend profond sur la gestion financière. L’un reprochait à l’autre un manque de transparence, tandis que l’autre se sentait accusé à tort et dévalorisé. Chacun était venu avec la volonté d’obtenir des concessions précises. Pourtant, après plusieurs heures d’échanges, aucun accord formel n’a été trouvé ce jour-là. Mais quelque chose d’essentiel s’était passé. Ils s’étaient parlé, sans l’intermédiaire d’avocats ou de lettres recommandées. Ils avaient compris les blessures sous-jacentes, les peurs qui alimentaient leurs positions rigides. En partant, ils ne s’étaient pas réconciliés, mais ils n’étaient plus dans la même opposition frontale. Quelques jours plus tard, ils ont repris contact d’eux-mêmes et ont trouvé un terrain d’entente. Cette situation illustre bien une réalité fondamentale : même sans accord immédiat, une médiation peut être un succès. Car le véritable enjeu n’est pas seulement de signer un document, mais de permettre aux personnes concernées de se repositionner, de se réapproprier leur conflit et, surtout, de renouer un dialogue. 

L’importance du dialogue : une réussite en soi 

J’ai vu des médiations aboutir sur des accords qui, en réalité, ne tenaient pas dans la durée, parce qu’ils avaient été signés sans réelle compréhension mutuelle, sous la pression du moment. À l’inverse, j’ai assisté à des médiations où aucune solution écrite n’avait été trouvée, mais où un changement profond s’était opéré dans la relation entre les parties. Lorsque je facilite une médiation, mon rôle n’est pas d’imposer un résultat. Je ne suis ni juge ni arbitre. Je suis là pour permettre à chacun de s’exprimer dans un cadre sécurisé, pour restaurer une communication souvent rompue. Le dialogue, lorsqu’il est sincère, a un pouvoir immense. Il permet d’apaiser les tensions, de désamorcer les malentendus, d’entendre ce qui n’avait jamais été dit. Parfois, un simple échange, une parole entendue, suffit à débloquer une situation figée depuis des mois. Une médiation réussie, c’est avant tout celle qui permet aux personnes de reprendre en main leur propre histoire, avec ou sans accord formel. 

Ainsi, si l’accord est un succès visible, le dialogue en est un tout aussi puissant, parfois plus profond et durable. C’est lui qui, souvent, prépare les accords de demain.

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